du 7 au 10 novembre 2012
ÉDITO : Philippe Azoury
A la fois furieux mais heureux créateur d’un maquis cinéma, Tariq Teguia est né en 1966, en Algérie, a obtenu un diplôme de philo à Paris (théorie esthétique, doctorat sur l’œuvre de Robert Frank), a travaillé un temps comme journaliste à Alger, y a enseigné aux Beaux-Arts. Il est surtout pour nous à la fois un photographe, un vidéaste, et un cinéaste – l’un des plus importants qui soit, ici comme ailleurs – au point que le philosophe Jacques Rancière voit en lui un de ces « géographes » qui ont réinventé le cinéma politique. Ces deux premiers long-métrages, Rome plutôt que vous et Inland, ont documenté le présent hasardeux de toute une génération, dessinant des corps politiques en l’état, irréductibles, fermes, visionnaires. « Alger oui, mais vu de dos » disait-il au moment de la sortie de Rome plutôt que vous, lorsqu’on l’interrogerait sur la représentation graphique, mentale, de sa ville. Plus tard, pour Inland, il aura lui-même trouvé les mots qui définissent l’argile particulier de son cinéma : « Je manipule des sons, des matières et des trajectoires. »
Samedi 10 novembre de 11h à 17h Art session en partenariat avec "Bejaïa doc" (Algérie)
en présence d et de rencontreouvert à tous, en présence de jeunes cinéastes et producteurs algériens (Narimane Mari et Djamil Beloucif) et français (Pierre Michelon et Natacha Cyrulnik) avec les rebonds du journaliste Philippe Azoury et de Geneviève Houssay, responsable du pôle cinéma audiovisuel du MUCEM - Musée des civilisations Euro-méditerranéennes de Marseille.
ROME PLUTÔT QUE VOUS
de Tariq Teguia (France/Algérie, 2006, 1h51)
Mercredi 7 novembre 2012 à 20h
suivi d’un débat avec Tariq Teguia – animé par Philippe Azoury, journaliste
L’Algérie depuis 10 ans vit une guerre qui a causé plus de 100 000 morts, une guerre qui ne dit pas son nom. Dans Alger encore désolée par la guerre, Tariq Teguia met en scène Zina et Kamel qui arpentent encore une fois leur ville avant de (peut-être ?) la quitter. « Road movie en vase clos, lente dérive étirée à l’échelle d’une ville et de sa périphérie », le film met en scène l’Alger d’aujourd’hui (même si l’action se passe dans les années 90), l’ennui profond, la désespérance, qui imprègnent les lieux et les gens et auxquels tentent d’échapper, les deux jeunes amants. Alger, plus grise que blanche, n’a jamais été aussi belle et vraie au cinéma.
« Comment filmer une guerre qui prétend à la discrétion ? En filmant le ténu, c’est à dire en filmant moins ce qui se joue derrière le mur, mais le mur lui-même. […] non, toutes les filles ne baissent pas les yeux dans la rue, oui, beaucoup de jeunes algérois veulent fuir ! Pas seulement pour des raisons matérielles -travail, logement- mais par refus, même inconscient, d’une société de l’enfermement » (Tariq Teguia)
u son pour partager leur sensibilité. Daniel De
INLAND (GABBLA)
de Tariq Teguia (France/Algérie, 2008, 2h20)
Jeudi 8 novembre 2012 à 20h
Grand Prix et Prix d'interprétation féminine au Festival de Belfort suivi d’un débat avec Tariq Teguia, Daniel Deshays et Philippe Azoury
Alors qu’il vit en quasi reclus, Malek, un topographe d’une quarantaine d’années, accepte, sur l’insistance de son ami Lakhdar, une mission dans une région de l’Ouest algérien. Le bureau d’études oranais, pour lequel il travaillait il y a encore peu, le charge des tracés d’une nouvelle ligne électrique devant alimenter des hameaux enclavés des monts Daïa, une zone terrorisée il y a à peine une décennie par l’islamisme. Arrivé sur le site après plusieurs heures de route, Malek commence par remettre en état le camp de base – une cabine saharienne délabrée ayant déjà abrité une précédente équipe, venue à la fin des années 90, mais décimée lors d’une attaque des intégristes. Dès les premières lueurs du jour, Malek se met au travail. Il procède aux premiers relevés topographiques, arpente les étendues autour du camp de base. Dans la nuit, son sommeil est perturbé par de puissantes déflagrations…
Précédé à 18h d’une Master Class de Tariq Teguia en dialogue avec Philippe Azoury
AVOIR 20 ANS DANS LES AURÈS
de René Vautier (France, 1972, 1h40)
Vendredi 9 novembre 2012 à 18h
Présenté par Philippe Azoury
Un groupe de Bretons réfractaires et pacifistes est envoyé en Algérie. Ces êtres confrontés aux horreurs de la guerre deviennent peu à peu des machines à tuer. L’un d’entre eux ne l’acceptera pas et désertera en emmenant avec lui un prisonnier du FLN qui devait être exécuté le lendemain. Ce film de fiction réalisé sur la base de témoignages d’appelés, est l’un des seuls à avoir mis en exergue les contradictions de l’armée française durant la guerre d’Algérie, et notamment la torture qui y sévissait. Il s’intéresse spécifiquement à des appelés bretons, qui allaient peu à peu être confrontés aux horreurs du conflit et devenir des machines à tuer. Cette œuvre militante fut censurée par les autorités de l’époque. « Voiler ce qui s’est fait pendant la Guerre d’Algérie, c’était porter sur l’ensemble des gens qui ont participé à cette guerre le soupçon d’avoir été tortionnaires. Ce qui m’a toujours attristé, c’est de voir à quel point les gens d’image acceptaient le silence. » René Vautier / L’Humanité en 2001.
DEMANDE À TON OMBRE
de Lamine Ammar-Khodja (France, 2012, 1h22)
Vendredi 9 novembre 2012 à 20h
Prix du 1er film au FID Marseille 2012 – présenté par Philippe Azoury
Huit ans après voir quitté l’Algérie, son pays natal, pour la France, Lamine Ammar-Khodja décide de mettre fin à son exil le 6 janvier 2011, date du déclenchement des émeutes populaires à Alger. Organisé chronologiquement, le film se raconte à la première personne et, tout comme le fameux Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire auquel le cinéaste rend hommage, il retrace les difficultés à retrouver sa place. Car ce cheminement n’est pas seulement affaire privée, mais l’occasion de revenir sur l’histoire récente de l’Algérie, au moment où celle-ci aurait pu prendre un nouveau tournant. C’est sur le ton de la comédie que le film avance, faisant preuve d’humour autant que d’ironie, en place du désespoir attendu. Mélangeant joyeusement les registres, s’amusant, libre et avec bien de la grâce, de l’outil cinématographique, revendiquant sa jeunesse frondeuse au nom de tous les jeunes laissés pour compte, ce premier long-métrage révèle à coup sûr un regard, une écriture : un cinéaste.
Jean-Pierre Rehm
NOUS, DEHORS
de Bahïa Bencheikh El Fegoun et Meriem Achour Bouakkaz (Algérie, en finalisation)
Samedi 10 novembre 2012 dès 11h
en présence de Narimane Mari, productrice du film
Un espace public masculin, des corps de femmes qui dérangent. Ni les hommes ni les femmes ne savent quoi faire de ce corps féminin, alors on le voile. Ce film est la rencontre de femmes en quête de sens, qui s’interrogent pour se confronter à leur propre histoire individuelle. Qui sont-t-elles aujourd’hui face à la confusion d’une société qui ne « sait pas quoi en faire » alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à être dehors, dans cet espace public. Une société imprégnée de convictions religieuses et d’ignorance de l‘autre, qui fait d’elle une cible permanente.
BIR D’EAU, A WALKMOVIE
de Djamil Beloucif (Algérie, 2010, 1h17)
Samedi 10 novembre 2012 dès 11h
en présence du cinéaste
Journée ordinaire d’une rue d’Alger où un film se fait et se défait sous le regard d’une caméra. Un portrait singulier, sincère et tendre d’Alger et de ses habitants. Un jeu entre fiction et réalité. Une interrogation sur la place de la caméra, sur la façon dont elle modifie le réel.
RISACCA NON ERRA
de Pierre Michelon (France, 2011, 52’)
Samedi 10 novembre 2012 dès 11h
en présence de Pierre Michelon
Pas d’errance ou d’erreur dans le mouvement perpétuel des vagues, ni dans celui de leur ressac : Emigration ici et immigration là sont les deux faces indissociables d’une même réalité. Entre les rives de Nice et celles d’Annaba, Risacca non erra propose une pluralité de récits. Ce sont les voix d’un père endeuillé, d’un militant italien, d’un surfeur, ou encore d’une sœur et de son petit frère harraga. Les points de vue s’alternent, se complètent, se contredisent parfois. Des affirmations militantes aux interrogations sans réponse, quelques fragments pour repenser la liberté, des deux côtés.
LES TRACES ALGÉRIENNES : UNE PARTIE DE MOI, D’AUTREFOIS
de Natacha Cyrulnik (France, 2011, 32’)
Samedi 10 novembre 2012 dès 11h
en présence de la cinéaste
Aborder l’Algérie quand on est en France c’est parler du passé dans un quotidien. Dans le premier film de la série, nous abordons ce sujet à travers deux femmes : la première a quitté Alger en catastrophe à 10 ans, la deuxième a choisi de venir vivre en France plus tard à 23 ans. Dans le deuxième, « Une partie de moi, d’autrefois », l’idée se prolonge en accompagnant Dany et sa fille à Alger. Le troisième accompagnera Nadia et ses cousines à Oran. Par la force des témoignages, cet ensemble de films décrit un rapport intime entre ces deux pays, la transmission du non-dit et des traces qu’il laisse.
LA BOULANGERIE DU COIN
de Julien Camy (France, 2002/2012, 45 min)
Vendredi 30 novembre à 20h
suivi d’un débat avec Julien Camy et Farid Dridi
Omar Dridi est arrivé en France à l’âge de 10 ans en 1964 après avoir perdu ses deux parents pendant la guerre d’Algérie. A force de travail, il réussit socialement et dirige actuellement une boulangerie à Cannes la Bocca.
« J’étais allé le filmer en 2002 durant toute une nuit. Il m’avait raconté son travail et sa vie. En 2012, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, je suis retourné dans la boulangerie interroger Omar mais aussi son fils, Farid. Leurs deux regards sont confrontés sur leurs origines, leur intégration dans la société et quelle histoire portent-ils avec eux ? Comment se sont-ils construits et qu’est ce qui fait qu’ils se sentent français, algériens, les deux ? La culture et la nationalité sont deux choses bien différentes. » (Julien Camy)
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