L'ÉDITO D'EUGENIO RENZI
Si l’on feuillette rapidement l’Histoire du documentaire, on remarque que l’expression “documentaire politique” est un pléonasme. Documentaire et politique sont un couple fidèle. Ils vont, et sont allés, toujours ensemble. Les sujets politiques ne constituent pas le contenu de tout documentaire, mais la spécificité propre à cette forme est de traiter politiquement son contenu, tout contenu.
Or, pourquoi le documentaire est, de manière immanente à sa pratique, politique ? Non pas parce qu’il serait, par nature, un “cinéma du réel”. L’Histoire montre au contraire que le documentaire est la forme d’expression privilégiée de la propagande (d’État) et de la militance. Plutôt, parce que tout documentaire pose – au coeur de sa démarche économique et esthétique –, le problème de la vérité. Et la vérité, on le sait, est la chimère de toute activité politique.
Dans n’importe quel documentaire, dans le travail d’un poète comme Pier Paolo Pasolini sur l’Inde, dans le cinéma d’un anthropologue comme Jean Rouch, la question de la vérité est non seulement présente : elle en hante la matière. N’importe quel film (fiction et documentaire confondus) comporte des choix décisifs : l’écriture (ou pas) du projet, la nature de l’image, la couleur, la longueur des plans, la voix off, la présence de la musique, etc. Mais seulement dans le cadre documentaire ces choix expriment un positionnement par rapport à la vérité.
Dans la fiction un travelling est (seulement !) “une affaire de morale” dans le documentaire, un travelling est une affaire d’ontologie.
L’évolution technique devient alors un enjeu central. L’arrivée du numérique – avec les potentialités productives, esthétiques et distributives qui vont avec – a généré dans les derniers dix ans un saut qualitatif et quantitatif de la production documentaire. Ainsi réarmé, après une période de latence, le documentaire revient de force dans le champ politique. Pour dire quoi ? Eugenio Renzi
MERCREDI 14 DÉCEMBRE
POLITIQUE / ESTHETIQUE : MEME COMBAT (?) 18h00
Conférence d'Eugenio Renzi : “Le documentaire : centre, droite, gauche”
20h00 > EN EXCLUSIVITÉ
Les Eclats
de Sylvain George (France, 2011, 1h25)
Projection suivie d’une rencontre avec le cinéaste Sylvain George.
Animée par Eugenio Renzi
Eclats de voix, éclats de rire, éclats de rage ; bribes de mots, d’images et de mémoire ; paroles du proche et du lointain, d’hier et d’aujourd’hui, d’Afrique, Moyen-Orient, Europe ; maladies disparues, mains de métal, souffle du vent, geste du soleil au couchant, reflets rouge-sang ; rafles policières, cortèges guerriers, cour d’injustice... Pour une cartographie de la violence infligées aux personnes migrantes, de la répétition de la geste coloniale, et du caractère inacceptable du “monde comme il va”. Film inédit qui coïncide et dialogue avec Qu’ils reposent en révolte, actuellement en salle.
JEUDI 15 DÉCEMBRE / DANS L’ENGRENAGE, LE PEUPLE 18h00
Material
Thomas Heise (Allemagne, 2009, 2h44, vostf) Grand Prix de la Compétition Internationale - FID Marseille 2009
Projection présentée par Eugenio Renzi
Material est un montage de rushes et de scènes inédites des précédents films réalisés par Thomas Heise en RDA, sur une vingtaine d’années. Jusqu’à la fin du régime de la RDA, tous ses projets de films documentaires étaient entravés par des “moyens opérationnels”, détruits ou confisqués. Quasi sans commentaire, ces “restes” puissamment architecturés apparaissent comme autant de témoignages décisifs pour comprendre l’Allemagne actuelle.
“Avec Material, réflexion personnelle sur l’histoire de l’Allemagne comme sur son écriture même, Heise poursuit un sillon entamé dès les années 80 en RDA, tissant enjeux socio-politiques, ici dans une interrogation sur l’Histoire. Dans une dialectique de l’Ancien et du Nouveau, scrutant les visages, laissant les paroles se déployer, Heise offre l’attention nécessaire à cette geste qui ouvre à la matière même de l’Histoire et de ses possibles.” Nicolas Féodoroff
21h00
Entrée du personnel de Manuela Frésil (France, 2011, 59 min) Grand Prix de la Compétition Française - FID Marseille 2011
Projection présentée par Eugenio Renzi et suivie d’un débat
Ce film a été réalisé à partir des récits de vie des ouvriers des grands abattoirs industriels. “Au début, on pense qu’on ne va pas rester. Mais on change seulement de poste, de service. On veut une vie normale. Une maison a été achetée, des enfants sont nés. On s’obstine, on s’arc-boute. On a mal le jour, on a mal la nuit on a mal tout le temps. On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus. C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent. Alors l’usine vous licencie. À moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela.”
VENDREDI 16 DÉCEMBRE - EXCLUSIVITÉ INDIGNÉS DE TOUS LES PAYS... En partenariat avec Les Amis du Monde diplomatique à 18h00 >
Qui finisce l’Italia
de Gilles Coton (Belgique, 2010, 1h20, vostf)
Suivie d’une intervention de Christophe Ventura :
“La chute de Berlusconi, une bonne nouvelle ?”
Eté 1959, Pier Paolo Pasolini quitte Vintimille au volant de sa Fiat Millecento pour rejoindre Trieste en longeant les plages italiennes. Au fil de ses rencontres, il rédige un carnet de voyage, La Longue Route de Sable. Eté 2009, ce film nous emmène sur les traces du poète et réalisateur dans un road movie explorant toute la complexité de l’Italie contemporaine.
Squat, la ville est à nous !
de Christophe Coello (France, 2011, 1h34) EN
Tourné à Barcelone entre 2003 et 2011, le film retrace l’évolution d’un groupe de squatteurs engagés contre la spéculation immobilière et pour la réappropriation de sa vie face aux diktats du monde contemporain. Christophe Coello continue à rendre compte des tentatives imaginatives de ceux qui, dans la force du groupe, trouvent les moyens de faire correspondre leur vie à leur vision du monde. Il y a peu de temps encore taxées de marginales, les actions de ces électrons libres servent de fil conducteur aux réflexions des mouvements "Indignés" partout en Europe. Squat, la ville est à nous ! est aussi un grand film d’amour qui vous donnera envie de sauter dans les bras de votre voisin et d’embrasser votre voisine (ou l’inverse) et de changer le monde avec eux.
Suivie d’une intervention de Christophe Ventura :
“Le temps des idées en action” autour de Marinaleda, un village en utopie de Sophie Bolze (France, 2009, 1h22)
LES INVITÉS
Sylvain George, cinéaste français, est un activiste politique. Son travail, placé sous le signe du réveil et de l’émancipation, allie recherche formelle et engagement militant. Il réalise aussi bien des ciné-tracts radicaux au service de collectifs ou de sans- papiers, que des films plus personnels, engagés contre les politiques iniques qui traversent et modèlent notre société. Ses films sont projetés dans les réseaux militants ainsi que dans les festivals nationaux et internationaux.
Eugenio Renzi est né à Rieti (Italie) en 1980. Après des études de philosophie, il a été rédacteur aux Cahiers du cinéma tout en collaborant aux revues Vertigo, Les Lettres Françaises, et Ciak. Il est directeur artistique du Printemps du cinéma français à Rome. Co-fondateur avec Antoine Thirion de la revue en ligne www.independencia.fr, il regroupe une équipe partageant le même désir de reconsidérer la profession critique.
Christophe Ventura est membre de l’asso- ciation Mémoire des luttes (www.medelu.org). Il est impliqué depuis le début des années 2000 dans la conception et l’organisation des Forums sociaux mondiaux et européens et participe activement aux différents espaces de construction des mouvements sociaux. Collaborateur au Monde diplomatique, ainsi qu’à plusieurs revues (Amérique latine, Italie, mouvements sociaux), il est également chargé de cours à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris VIII.
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